ALISFA ESP MAND ASP SIAE
Mise en ligne le 23/05/2024
Il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection dite « absolue » liée à la maternité, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.
Ainsi, l'employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant cette période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l'entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l'entretien ait lieu à l'issue de cette période.
Cass. soc., 29 novembre 2023, pourvoi n°22-15.794
Pour rappel, l’article L.1225-4 du code du travail dispose :
« Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.
Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa. »
Dans un arrêt (n° 2099 FS-B) rendu le 29 novembre 2023 (Cass. Soc., 29 novembre 2023, pourvoi n°22-15.794), la Cour de cassation vient rappeler le principe de protection dite « absolue » liée à la maternité et préciser son application pour toutes mesures préparatoires au licenciement.
Rappel des faits :
Dans cette affaire, une salariée est engagée le 07 octobre 2013 en tant que chef de projet internet par une société.
Lors des faits, elle exerce les fonctions de responsable marketing au sein de la société.
Du 8 septembre 2017 au 24 janvier 2018, le contrat de travail de la salariée a été suspendu en raison de son congé maternité et des congés payés pris immédiatement après ; la reprise effective du travail étant fixée au 25 janvier 2018.
Le 12 janvier 2018, les délégués du personnel sont consultés sur un projet de licenciement pour motif économique concernant le poste de responsable marketing attaché à l'établissement parisien de la société.
Par lettre du 16 janvier 2018, l'employeur convoque la salariée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 10 avril 2018 (la période de protection liée à la maternité prenant fin le 06 avril 2018).
Le 1er mai 2018, la salariée accepte le contrat de sécurisation professionnelle.
L’affaire est portée devant les juges prud’homaux puis en appel.
Par arrêt rendu le 03 mars 2022, la Cour d’appel de Paris déboute la salariée de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement pour motif économique et de réintégration retenant que la société n'avait accompli aucun acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection.
La salariée fait grief à l'arrêt de la Cour d’appel et se pourvoit en cassation.
Dans son arrêt du 29 novembre 2023, la Cour de cassation considère :
« Vu l'article L. 1225-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l'article 10 de la Directive 92/85 du 19 octobre 1992, qu'il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.
Ainsi, l'employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l'entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l'entretien ait lieu à l'issue de cette période.
Pour dire que l'employeur n'a pas procédé à un acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection et débouter en conséquence la salariée de sa demande de nullité de son licenciement, l'arrêt énonce que l'intéressée ne peut valablement se prévaloir de sa convocation à entretien préalable notifiée pendant sa période de protection, ni de la réunion des délégués du personnel le 12 janvier 2018, pour soutenir que la décision de la licencier était prise en l'absence de tout élément objectif venant caractériser cette volonté de l'employeur.
En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que l'employeur avait engagé la procédure de licenciement pendant la période de protection dont bénéficiait la salariée à l'issue du congé de maternité, a violé le texte susvisé. »